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La ville est-elle faite pour les enfants ?

Aujourd’hui, les villes sont dessinées par des adultes et pour les adultes. La place laissée aux enfants est réduite à la portion congrue

samedi 17 février 2007

Cet article écrit par Christine LEGRAND et paru dans La Croix du 06/04/2005 questionne le pourquoi de l’absence de toute consultation des enfants dans la conception de la ville et montre quelques exemples pour réintégrer l’enfant dans la ville, changer la vision des parents sur le fait que l’enfant peut également s’approprier la rue et l’espace publique...

Cet article cite l’exemple du pédius d’Apt (84). Le lien social est le pari fondamental des pédibus et nous avions trouvé cette réflexion assez profonde et riche de sens...

Des enfants de Paris jouant dans la rue à la marelle ou au ballon, traversant en courant les jardins du Champ-de-Mars, ou dévalant en riant les escaliers de la butte Montmartre... On garde tous en mémoire ces images immortalisées par Robert Doisneau d’une ville livrée aux enfants, et où ils pouvaient se déplacer librement. Louis Bachoud, urbaniste, évoque avec nostalgie ses souvenirs d’Alger où il a passé son enfance. « J’ai été éduqué par la ville et dans la ville, dit-il. C’était pour nous une aire de jeu et d’éducation. Nous éprouvions de la joie à nous y déplacer. Nous la parcourions souvent en courant, surveillés par les commerçants ou les autres parents. C’était une découverte éducative à la fois du bâti et des hommes, une lecture permanente de la porosité sociale des immeubles et des quartiers. Un lieu d’échanges et de socialisation. » Et d’évoquer aussi la richesse de cette médina de Fès, de ces villes « dessinées par le temps et la tradition », avec leur mixité sociale, ces ruelles que les enfants s’appropriaient, ces places où on peut se donner rendez-vous en toute sécurité, et où on pouvait se rencontrer sous l’« arbre à palabres ».

« Cette qualité urbaine est désormais oubliée, c’est un des premiers échecs de la ville actuelle, poursuit-il. Il n’existe quasiment plus de mixité sociale ni de réelle mixité d’âge dans les quartiers. À une époque où l’enfant est roi dans sa famille, l’enfant dans les villes est complètement oublié. Elle n’est plus le site de sa socialisation, et il n’y apprend aucune autonomie spatiale comme autrefois. »

À une époque où l’enfant est roi dans sa famille, il est complètement oublié dans les villes.

Signe de cette évolution ? Les centres-villes se vident peu à peu de leurs enfants, comme le constate un récent bulletin de la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf), publié dans le cadre d’une réflexion prospective sur les politiques familiales à l’horizon 2015 : « S’achemine-t-on vers des villes centres sans enfants ? » (lire Repères ci-dessus). Les villes centres tendent en effet à n’être plus habitées que par des célibataires et des ménages sans enfants, tandis que les familles partent s’installer dans le périurbain. Les raisons de cette désaffection sont en partie économiques : les prix de l’immobilier ont tellement grimpé dans les centres-villes qu’ils deviennent inaccessibles aux familles. Mais ce n’est pas la seule raison, souligne Julien Damon, responsable de la recherche et de la prospective à la Cnaf. Si les familles ont tendance à fuir les centres, c’est aussi, selon lui, parce que les conditions de vie qu’ils offrent aux enfants se sont dégradées : ils sont devenus plus dangereux à cause de la circulation automobile, et surtout ces villes centres « ne sont pas conçues, dit-il, pour les enfants : elles sont même conçues en dépit d’eux ». Les enfants y seraient-ils devenus indésirables ? « Il existe en Amérique du Nord un mouvement intitulé No kidding, qui refuse la présence d’enfants dans certaines habitations. C’est anecdotique, dit-il, mais néanmoins symbolique. » « Aujourd’hui, conclut le bulletin de la Cnaf, le problème se pose de l’existence et des conditions de vie offertes aux enfants urbains et à leurs parents, dans un environnement incontestablement inhospitalier (comment jouer aujourd’hui dans les rues ?) et parfois même hostile (comment se déplacer, se rencontrer, sans danger ?). À l’échelle européenne, cette question de l’hospitalité des villes (et pas seulement des villes centres) est désormais posée. »

François Ascher, professeur à l’Institut français d’urbanisme et président du conseil scientifique de l’Institut de la ville en mouvement, fait un constat similaire. « On assiste dans notre société à un double processus, dit-il. Les enfants tiennent une place de plus en plus importante dans la vie familiale, ils ont de plus en plus souvent leur chambre à eux, les parents s’investissent davantage sur leurs projets d’avenir, etc. En revanche, ils n’ont plus beaucoup de place dans l’espace public, ils ne disposent pas de lieux où ils puissent avoir une activité collective, ils ne peuvent plus jouer sur le trottoir ou dans la rue. » Les enfants des villes ont la chance d’avoir à leur disposition de multiples activités, sportives ou culturelles. Mais pour y accéder, il leur faut de plus en plus bouger. « Or, il est difficile pour les enfants aujourd’hui, souligne François Ascher, de se déplacer seuls en ville. C’est un problème très concret qui se pose aux familles. » L’enquête menée par l’Institut de la ville en mouvement l’a montré : dans les villes « peu denses » (notamment les banlieues), les lignes de bus ou de métro ne correspondent pas toujours aux besoins des enfants. Certains parents (ou grands-parents), révèle aussi l’enquête, jouent, quand ils le peuvent, le rôle de taxi, conduisant leurs enfants d’une activité à l’autre.

Mais d’autres n’en ont pas les moyens. « Il faut donc aborder la question de la sécurité des enfants, conclut François Ascher, mais aussi les aider à se déplacer et inventer un nouveau type de service public. » Des initiatives ont vu le jour, comme ces taxis collectifs autour de la ville d’Apt, ou ces « pédibus » (l’idée vient du Québec) de parents qui se relaient pour accompagner les enfants à l’école. D’autres s’efforcent « d’apprendre aux enfants leur ville ».

Certaines municipalités ont décidé de réagir pour permettre aux enfants de se déplacer en toute autonomie.

Car on n’apprend plus suffisamment aux petits citadins « l’autonomie spatiale », souligne Louis Bachoud : combien d’enfants connaissent autre chose que le parcours entre leur immeuble et leur école ? C’est ce que confirme cette enquête inédite, réalisée par le sociologue François de Singly (à la demande du ministère de la ville et du logement), menée auprès d’enfants et de préadolescents de Paris, Strasbourg, Berlin et Fribourg. « Une des caractéristiques des Français, dit-il, c’est qu’ils ont une conception plus frileuse de la ville, ils sont plus craintifs, perçoivent l’espace urbain comme dangereux, si bien que leurs enfants sortent moins de leur quartier : beaucoup de petits Parisiens n’ont jamais traversé leur ville seuls, au mieux prennent le métro sur deux stations. Ce qui n’est pas le cas à Berlin par exemple. »

De nombreuses municipalités ont décidé de réagir, rejoignant le réseau des « villes amies des enfants » (lire Repères). Il faudrait en effet offrir aux enfants des espaces où jouer et circuler librement et en toute sécurité. Mais aussi, comme le souligne Louis Bachoud, au-delà des aspects « fonctionnels » de la ville moderne, il faudrait pouvoir lui rendre sa valeur « d’échange ». « Où échange-t-on aujourd’hui dans les villes ?, se demande-t-il. Qu’y a-t-il comme lieux de rencontres ? Les adultes ne pensent plus à cet aspect-là. Je crois qu’aujourd’hui, même dans l’esprit des parents, les valeurs d’échanges et d’éducation de la ville sont oubliées, au profit des valeurs d’utilisation. Or, ce qu’il y a d’essentiel, estime-t-il, ce sont ces valeurs ajoutées de la ville : troisième pied de l’éducation avec la famille et l’école, la ville doit apporter la socialisation, l’expérience de la collectivité et de la mixité sociale. »

Quand on interroge les enfants, comme l’a fait François de Singly, c’est d’ailleurs ce qu’ils réclament : des petits bouts de squares où se retrouver, des places avec des bancs où goûter, des lieux où jouer, faire du roller ou, pour les plus grands, écouter de la musique, des recoins où se donner rendez-vous au retour de l’école, des petits « morceaux de ville » qu’ils pourraient tout simplement s’approprier.

Source : http://www.la-croix.com/parents-enfants/article/index.jsp ?docId=2208165&rubId=24295

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